Ah... Qu'elle bonheur de retrouver possession de mon corps après une année de latence. Il faut dire que cette enveloppe est tellement parfaite, je ne peux m'en lasser. Je me lève, m'étire, je fais crisser mes griffes sur la pierre froide. L'horrible chuintement qui en ressort me tire un sourire fasciné. Quel bruit ! Qu'elle son exquis ! Mieux encore qu'un envol de chauve-souris ! J'admire encore le corps possédée : musclée, souple, équilibré. Une véritable arme, peut-être devrais-je reprocher ces tâches claires et disgracieuses qui le constellent ? Enfin je sortirais du lot ! Il est vrai qu'avec la sale habitude des miens de prendre encore et toujours un chat noir aux yeux jaunes devenir original est un véritable atout !

Je laisse un grand sourire étirée mes babines et m'élance vers notre point de rendez-vous. Que ferons-nous cette nuit ? Le sang coulera-t-il ? Parlerons-nous potions et potages ? Ou bien jouerons des tours aux jeunes bipèdes imprudents ? J'en frémis d'excitation ! Cette nuit va être grandiose ! Au-dessus de moi le ciel noir d'encre m'accompagne, je songe un instant que le ciel ne pourrait être plus beau. Mais pattes retombent de manière rythmé au sol, l'odeur boisé du clan de mon Enveloppe me parvient distinctement. Les premières années il m'avait fallu plusieurs heures pour appréhender tous ces parfums inconnus. Heureusement le fait de changer de forme charnelle ne retirait pas les réflexes de celle-ci et les quelques fois où j'avais été agressé le corps avait réagi par lui-même.

Le point de rassemblement pris forme. Quatre chênes immenses devant laquelle une masse grouillante de félin dont l’apparence est plus ou moins proche de celle d’un chat, crient en riant. Mon chapeau recouvre bientôt ma tête permettant aux autres de m'identifier. Certain ont fait plus original, se parant de bijoux ou de talismans. Facilement reconnaissable aussi des chats au teint cadavériques dont les yeux sont couleurs écarlates, d'autres chats ont triplé de taille leurs prunelles fauves et affamé trahissant leur véritable nature, il me semble même apercevoir un félin à la queue en fourche. La nuit va être délicieuse !

Je m'avance dans la masse et lancé à qui m'entend:

« Bienvenu à tous ! Moi Sorcière Ailée déclare officiellement la nuit de l’horreur ouverte ! Qui veut lancer les hostilités ? »

Je suis dans un état second. Un état où je me sens enfin moi. Enfin libre de m'exprimer et de faire tout ce que je souhaite. Mon corps se libéret peu à peu sous l'emprise de la nuit. Une nuit chaude, malgré la mauvaise saison qui s'annonce. Que fais-je là ? Je n'en sais rien, je ne sais même pas où je suis, mais pourtant, je sens que cet endroit n'aspire que du bon. Je sens une aura nouvelle. Quelque chose d'important va se passer, et je dois y assister. Où ? Je ne sais pas non plus, mais quelque part, en tout cas. Pas très loin d'ici. J'observe les alentours, curieuse de découvrir ce nouvel environnement. Environnement que je suis presque certaine de connaître, mais il y a quelque chose de changé. De mieux. Bref, je ne vais pas m'attarder sur ce sujet. J'ai quelque chose à accomplir, quelque chose d'important. Quelles choses ? Je vais essayer de le découvrir. J'avance dans le noir. Une forêt. Sombre, plongée dans le noir. J'ai beau être un chat, à l'origine, je ne me sens plus en tant que tel. Je me sens possédée d'une âme nouvelle. Une âme maléfique. Mais cela me plaît, finalement. J'ai de grandes choses à accomplir, ce soir.

J'arrive enfin dans une espèce de clairière, tout à coup très éclairée. D'autres chats -ou plutôt créatures- sont là, rassemblés en cercle. Je passe devant une flaque d'eau, et je vois mon reflet, -maléfique, comme mon âme-. J'aperçois deux prunelles rouges sanguinaires, dont le regard représente le mal à l'état pur. Je suis maléfique. Mes poils sont encore plus sombres qu'avant. Mes crocs sont pointus, tellement tranchants, qu'ils pourraient transpercer n'importe quelle chose.

Je rejoins les autres chats, mes amis. Ils ont tous un style maléfique et sombre. Certains portent chapeaux, talismans, chaînes. D'autres ont juste une lueur envoûtante dans les yeux.
Je salue l'assemblée d'un hochement de tête. Une femelle plus âgée que moi, portant un grand chapeau sur la tête, prend alors la parole, de sa grande voix mystérieuse :

« Bienvenue à tous ! Moi, Sorcière Ailée, déclare officiellement la nuit de l’horreur ouverte ! Qui veut lancer les hostilités ? »

Les félins s'observèrent tous avant de s'agiter. Je pris la parole, m'avançant dans le cercle comme l'avait fait Sorcière Ailée quelques secondes auparavant.

« Salutations, félins démoniaques ! Moi, Mélodie Ensorcelée, suis partante pour démarrer les hostilités. Je propose que nous allions tous par petits groupes chez les bipèdes, pour les terroriser, eux et leurs enfants. Les connaissant, ils sont très peureux, et nous pourront nous languir de leurs cris d'effroi et de leurs mines épouvantées. Quelqu'un a autre chose à proposer ? »

Je recule un peu, observant la foule, attendant une réponse ou une proposition quelconque de la part de quelqu'un.

Devant moi, ils s'agitent tous. Sans doute vexé de voir que je suis la première à dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas, peut-être jalousent-ils le corps délicieux dont je jouis ? Un sourire délicieux étire mes babines quand je songe que certain on peut-être hérité d'enveloppe chétive et malade. Je me souviens de compère qui, de colère, n'avait pas hésité à massacré le corps du possédé par pure esprit de vengeance. Je vois une chatte à la fourrure bien sombre qui s'élance au centre de la masse à son tour, ses prunelles écarlates donnent la couleur quant à ses ambitions. Elle a la démarche fluide bien qu'il me semble qu'elle est encore un peu jeune. Le manque d'âge a tendance, à être accompagné par des réflexes moins aiguisés. Une erreur serai malvenu de sa part.

« Salutations, félins démoniaques ! Moi, Mélodie Ensorcelée, suis partante pour démarrer les hostilités. Je propose que nous allions tous par petits groupes chez les bipèdes, pour les terroriser, eux et leurs enfants. Les connaissant, ils sont très peureux, et nous pourront nous languir de leurs cris d'effroi et de leurs mines épouvantées. Quelqu'un a autre chose à proposer ? »

Si les plus jeunes esprits démoniaques s'enthousiasment, les plus vieux esquissent des mines bougonnent et n'hésitent pas à grogner avec vigueur. Il est vrai que bien que la chasse aux bipèdes soit un incontournable, nos esprits affamés préfère de loin des jeux un peu plus.. Sanguinaires. C'est avec surprise que j'entends une voix d'enfant percé le silence.

« Terroriser une souris serait tout aussi intéressant ! T'as pas mieux comme idée ? »

Je me retiens de rire en voyant une petite boule de poil noir s'exciter à travers les rangs. Si beaucoup d'entre nous prônent le respect des malchanceux qui se sont incarnés dans un corps dépourvue du moindre attrait démoniaque. Nous sommes tous très loin de nous résoudre à la tolérance ou l’égalité. J'entends les voies moqueuses et suraiguës de jeunes sorcières qui s'excitent et sourie en imaginant le sort qui leur sera réservé si l'individu qui s'est exclamé et bien celui auquel je pense. Mélodie Ensorcelée la chatte de toute à l'heure semble piquée dans son orgueil et rétorque d’un ton qui se veut sans doute hautain et digne :

« Très bien, si mon idée ne te plaît pas, qu'as-tu d'autre à nous proposer ? Je t'écoute. As-tu une meilleure idée, une idée géniale digne de nous tous ? »

Bien que je sente sa hargne poindre, le respect et l’ouverture dont elle fait preuve témoigne qu'elle se méfie de son interlocuteur. Elle a bien raison. Sans attendre que la conversation s'envenime, car bien qu'un bain de sang m'excite nous n'avons qu'une nuit devant nous, je m'approche du jeune mâle aux yeux ambrés.

« Mais qui vois-je ? Serai-ce Spectre Vivant sous ce corps maladif ? Je suppose que ta précédente enveloppa n'a pas survécu, rappel moi.... Suicide après un mois de schizophrénie ? A moins que ça ne soit celui de l'année d'encore avant... »

J'adresse un sourire complice à mon interlocuteur, il est vrai que Spectre Vivant est connu pour les ravages qu'il fait dans l'âme de ses enveloppes. Néanmoins je préfère ne pas trop m'avancer sur son identité, à part mon intuition d'être corrompu je n'ai aucune preuve. Je me retourne donc vers les autres et annonce.

« Cette nuit il nous faut une couleur chers comparses, cette nuit je pense que la couleur sera celle d'un liquide bien particulier. Un flux vitale et chaud, celui qui coule dans nos veines et dans celles de nos victimes. Le même que celui que nous avons tant de plaisir à déverser, goûter, corrompre.... Cette nuit sera rouge comme le sang ! Mais le sang de qui ? Qui verra ses veines écorché sous ce ciel de cauchemar ? »

Spectre Vivant, renfermé dans ce corps chétif, ne semble plus avoir envie de répondre. Je recule, dans l'ombre, ne laissant plus apparaître que mes prunelles rouge sang dans la pénombre. Sorcière Ailée prit alors la parole, avec un ton moqueur dans la voix :

« Mais qui vois-je ? Serai-ce Spectre Vivant sous ce corps maladif ? Je suppose que ta précédente enveloppe n'a pas survécu, rappelle-moi ... Suicide après un mois de schizophrénie ? A moins que ça ne soit celui de l'année d'encore avant ... »

Je souris. Il est vrai que Spectre Vivant n'a jamais gardé bien longtemps la même enveloppe charnelle. Chaque année, il en possédait une nouvelle. Elles étaient toutes aussi étranges les unes que les autres. Une fois il était même venu dans le corps d'un cadavre de souris, quelques années auparavant.
Sorcière Ailée reprend alors, avec un peu plus de sérieux dans la voix, comme pour reprendre sont discours précédent :

« Cette nuit il nous faut une couleur chers comparses, cette nuit je pense que la couleur sera celle d'un liquide bien particulier. Un flux vitale et chaud, celui qui coule dans nos veines et dans celles de nos victimes. Le même que celui que nous avons tant de plaisir à déverser, goûter, corrompre ... Cette nuit sera rouge comme le sang ! Mais le sang de qui ? Qui verra ses veines écorché sous ce ciel de cauchemar ? »

J'hésite à reprendre la parole, après le scandale de tout à l'heure. Mon regard passe de Sorcière Ailée à Spectre Vivant, puis sur toute l'assemblée. Qui va se dénoncer à proposer une idée ?
Nous n'avons qu'une seule nuit par an, il ne faut pas la gâcher ! Tout le monde semble attendre une proposition de la part Spectre Vivant, qui était si restrictif devant les propositions de ses camarades.
Un silence s'installa sous le bouquet d'arbres.

Le silence pesant continua à régner, après le commentaire de Sorcière Ailée. Spectre Vivant et Sorcière Ailée se trouvent à côté de moi, à quelques longueurs de queue. J'entends -ou je crois entendre, je ne suis pas sure- Spectre Vivant marmonner à Sorcière Ailée, quelque chose du genre :

« Je vois que tu sais motiver tes troupes. Ça doit faire partie de ton petit côté manipulateur. »

Je ne sais pas si j'invente ces paroles, où si je les ai vraiment entendues, si le chat les a vraiment prononcées.
Si c'est le cas, on ne peut pas trop en vouloir à Spectre Vivant, quand on le connait un peu. J'ai l'habitude de l'entendre insulter et critiquer tout le monde, mais c'était la première fois qu'il s'en prenait autant à moi. Mais je ne m'en formalise pas, je m'en fiche complètement.

La nuit était encore plus sombre qu'avant. Il n'y avait pas une seule étoile dans le ciel, comme si il avait senti qu'une aura maléfique allait envahir la terre.
En ayant marre de ce silence pesant, je prends alors la parole, défiant le regard de Spectre Vivant :

« Puisque personne ne semble avoir d'idée, pas même Spectre Vivant, je propose que nous partions chacun de notre côté, seul ou accompagné, Nous faisons ce que nous voulons de notre corps et de notre âme, et nous revenons tous ici au lever du soleil après avoir accompli nos méfaits. »

Je recule à nouveau, et fait un signe de tête envers Sorcière Ailée, pour lui demander si elle veut m'accompagner.

Alors que tout le monde, approuvant plus ou moins mon idée, commençait à se dissiper, je vois Spectre Vivant qui, volontairement, j'en suis certaine, se place devant Sorcière Ailée au moment pile où je lui adresse silencieusement ma demande d'accompagnement. Je suis furieuse. Je l'entends marmonner d'un ton de vengeance :

« Bon au moins on aura pas à supporter des lourdeaux. Tu m'accompagnes Sorcière Ailée ? »

Je me tais. Ca ne sert à rien de répondre aux provocations inutiles. Tout ce qu'elle cherche, c'est ma souffrance. Elle ne veut que m'énerver. Elle a réussi, bien entendu, mais je ne veux pas qu'elle le sache. Je veux lui montrer que ses remarques ne m'atteignent pas. Elle se moque de moi, et j'aurai bien l'occasion de l'attaquer par derrière, le moment venu. Mais ce moment n'est pas venu, pas encore. La nuit est courte, et je dois en profiter au maximum pour commettre les méfaits les plus délectables pour moi.
Je jette un regard de reproche dans la direction de Spectre Vivant. Je ne sais pas si elle l'a vu ou non, mais je m'en contrefiche.
Je pars seule, de mon côté. Si quelqu'un veut partir avec moi, qu'il vienne, sinon, tant pis. J'aime la solitude, j'y ai toujours été habituée dès mon plus jeune âge.

J'avance droit devant moi, sans me retourner. J'entends encore derrière moi le brouhaha des autres esprits. Quel méfait vais-je accomplir ce soir ? La nuit est à peine commencée, mais elle est déjà sombre. Mes prunelles rouges se repèrent très bien dans l'obscurité. Soudain je repère le doux fumet du sang chaud. Une souris. Je la sens, mais je ne la vois pas. Pas besoin. Elle est là, tout prêt. Je bondis, en équilibre sur mes pattes arrières. Je sens ce corps encore chaud sous mes griffes. Ce corps désormais inerte. Je me délecte du goût du sang, une fois la chair percée. Le sang, ce liquide fluide et habituellement rouge. Mais dans l'obscurité, je ne vois aucune couleur. Il n'y a pas de lune ce soir.

Alors que j'étais perdue dans mes pensées, j'entends un bruit derrière moi. Qu'est-ce que c'est ? Je ne vais pas tarder de le savoir. Je me retourne, et je vois une paire d'yeux jaune derrière moi. Une espèce de créature, ni humaine, ni féline ... Qu'est-ce que c'est que ça ?

J'évite de paniquer, ne voulant pas montrer ma peur à cette créature. Elle pousse un rugissement, comme un grondement de Monstre, amplifié. Je n'ai aucune idée de ce que ça peut être. Je n'ai jamais vu une telle chose. Je ne sais pas quoi faire.

Comme il fallait s'y attendre tous s'excitent clamant dans un joyeux tintamarre le nom de ceux qui ne reverront plus jamais le jour. Ils sont tellement prévisibles dans leur insatiable soif de sang et d'horreur. Tous tellement affamés par cette longue année d'errance. Je me repais de leur soif et de leurs désirs aussi sanguinaires qu'inavouables. Dans mes oreilles résonnent déjà les hurlements de terreur de leurs futures proies. Je parviens presque à discerner la lueur de supplication au creux du regard des malchanceux qui croiseront notre route. A mes côtés Spectre Vivant son faciès déformait par un rictus mauvais m'adresse dans un murmure :

« Je vois que tu sais motiver tes troupes. Ça doit faire partie de ton petit côté manipulateur. »

Je ne parviens toujours pas à m'habitué à son apparence. Il y a un tel décalage entre la perversité de cette âme maléfique et l'innocence de ce corps. Innocence qu'il s'est d'ailleurs empressé d'enrayer au vu des cicatrices sanguinolentes qui transpercent son corps. Je connais un chaton pour qui le réveil sera difficile demain... Mon petit côté manipulateur ? C'est peu dire. Néanmoins j'apprécie le compliment à sa juste à valeur et lui offre un sourire des plus effrayants.

L'agitation retombe peu à peu, chacun murmurant à son voisin ses projets pour la nuit. Ce qui semble déplaire à Mélodie Ensorcelée qui dans un battement de queue impatient s'exclame :

« Puisque personne ne semble avoir d'idée, pas même Spectre Vivant, je propose que nous partions chacun de notre côté, seul ou accompagné, Nous faisons ce que nous voulons de notre corps et de notre âme, et nous revenons tous ici au lever du soleil après avoir accompli nos méfaits. »

Tiens donc la gamine se sent l'âme solitaire ? J'esquisse une moue déçue en songeant au massacre de l'année précédente. Nous nous étions alliés pour massacrer un élevage canin dans son intégralité. Les aboiements avaient cédaient aux jappements, qui avaient eux-mêmes cédés aux couinements puis au silence. Et que de sang ! Qui eut cru que des animaux aussi stupides et patauds pouvaient contenir autant de liquide vermeil ! Mes yeux brillent à la simple pensée de cette somptueuse nuit. Tant pis ! De toute façon, j'aime le changement. Faire des petits groupes où des chasses solitaires nous permettront d'allonger les tortures. Projet fort émoustillant à mon goût.

Il me semble intercepter le regard écarlate de Mélodie Ensorcelée, avant que la frêle silhouette de Spectre Vivant s'interpose. Narquois ce dernier me déclare avec cet amusement mêlé de la folie qui nous ronge tous chaque nuit un peu plus :

« Bon au moins on aura pas à supporter des lourdeaux. Tu m'accompagnes Sorcière Ailée ? »

La satisfaction que je lis dans son regard à cet accent malsain que prennent tous nos méfaits. La manière qu'il a de me fixer tout en souriant narquoisement à un autre me fait penser que le mâle est loin d'agir sans un intérêt précis. Finalement le contraste de cette lueur malsaine qui brille dans ses prunelles et sa fragile apparence est presque plus effrayant que l'enveloppe bourrue des autres. Je frissonne avec délice et remarque sans y prêter plus d'attention que Mélodie Ensorcelée a quitté les lieux.

« Pourquoi pas ? Tu te sens d'humeur as torturé des bêtes dotés de consciences ou préfères-tu commencer par le chant désespéré des plus petites ? »

Je m'adresse à lui avec désinvolture. Cette nuit d'effroi me fascine. La seule durant laquelle nos esprits décharnés et nos instincts primaires peuvent véritablement s'exprimer. Peut-être que mon enveloppe sera-t-elle surprise du goût métallique dans sa bouche à son réveil ? Verra-t-elle les traces de sang séchées sur ses pattes ? Peut-être perdra-t-elle la raison en voyant qu'elle est l'auteur d'un massacre qu'elle n'a même pas vécue ? J'espère que non, je commence à apprécier cette apparence charnelle. L'idée de m'incarner dans une autre me révulserait presque.

La bestiole semble assez spectaculaire, dans le noir. Mais je n'ai aucunement l'intention de me laisser faire. J'ai une nuit pour tuer. Une seule et unique par an. Je ne sais pas quel genre de créature cela peut-être, mais je m'en fiche complètement. Vu qu'elle paraît assez imposante, son sang doit être délicieux. Je veux bien me risquer à partager ce sang, tant il sera abondant. Un festin sanguin. Miam, je me délecte déjà de tout ça.
Mais je me ressaisit. Je n'ai même pas encore signalé ma présence à cette bête. Je m'apprêtais à lui montrer qui je suis, lorsqu'un chat, tout à coup, se poste à mes côtés, rempli d'énergie. Mais ce n'est pas n'importe quel chat, c'est Ombre Maléfique ! Un peu d'aide me serait bien utile, après tout !

« Ai-je le droit de t'aider ou dois-je te regarder mourir et me régaler du sang qui restera de ta pauvre dépouille ? »

Bien sur qu'il avait le droit de l'aider ! Elle n'allait pas le garder pour elle toute seule, elle n'était pas égoïste !

« Oh, tu sais, mon sang n'est pas très bon. Mais celui-ci doit être délicieux ! Et il doit y en avoir une telle abondance que boire ça toute seule serait totalement impossible ! »

« Allons-y, tuons cette affreuse créature, cher ami ! A trois ! Un, deux, trois ! »

Je saute alors sur le dos de la créature. Je la mords au cou -enfin, si on peut appeler cela un cou-. Je la griffe et la mords autant que je le peux, autant que mes pattes et mes crocs me le permettent. Je lui lacère la fourrure. J'essaie de l'écraser sous mon poids et de lui infliger le plus de blessures possibles, pour faire couler le plus de sang possible.

Ombre Maléfique se débrouille très bien de son côté. Il a la même logique et la même mentalité que moi, il se bat donc comme un beau diable. On ne se soucie même plus de savoir si quelqu'un nous observe. On est bien trop absorbés par notre tâche et notre désir de tuer.

La bête peine de plus en plus, sous le poids de deux chats adultes assoiffés de sang frais et juteux. Ce parfum commence à m'emplir les narines. Ce doux parfum de sang.
Le monstre s'écroule soudain sur le sol, inerte. Je ne saurais jamais quel genre d'animal cette bête peut être, et je ne m'en préoccupe pas. Tout ce qui m'intéresse, c'est ce breuvage doux, amer, sucré et salé à la fois. Il n'y a aucun mot pour décrire son goût.

Je m'accroupis aux côtés de Ombre Maléfique, et je bois. C'est tellement bon. Je bois encore. Encore. Encore et toujours, sans m'arrêter.

J'attendais une réponse de Mélodie Nocturne, ou plus exactement une supplication. Celle-ci ne vint, pendant quelques secondes, seul le silence me répondit. Puis, des paroles finirent pas sortir de la bouche de Mélodie Ensorcelée, mais ce n'était certainement pas celles que j'avais espérées :

« Oh, tu sais, mon sang n'est pas très bon. Mais celui-ci doit être délicieux ! Et il doit y en avoir une telle abondance que boire ça toute seule serait totalement impossible ! »

Je serrai les dents, je n'aurais le plaisir d'entendre les cris désespérés de la chatte, mais bon, j'aurais au moins le plaisir de m'abreuver du sang la créature. Je repris une mine satisfaite, après tout comme l'avais souligné Mélodie Ensorcelée, la bestiole avait sans doute un sang délicieux, comme tout les créatures les plus idiotes. Et celle-ci semblait l'être particulièrement puisque qu'elle n'avait même pas profiter de notre conversation pour nous attaquer. Une vrai cervelle de souris !

« Allons-y, tuons cette affreuse créature, cher ami ! A trois ! Un, deux, trois ! »

Je souris. J'avais trois secondes. Un, deux, trois. Trois secondes pour me préparer. Trois secondes pour t'oublier. Pour me vider de tout ce qui n'était pas le besoin de tuer. Lorsqu'elle, prononça l'ultime nombre, j'étais prêt. Je bondis. Je me précipitais sur ma victime. La mordant et la griffant aux en endroit les plus sensible, pour lui faire le plus mal possible. Le sang coule en abondance et l'animal hurle. Des hurlement de douleur insupportable disparaissent dans la nuit. Seul l'écho leur répondit. Mon sourire fit place à un rire, un rire machiavélique, un rire diabolique. Mon rire. Finalement sous mon poids et celui de ma comparse, la créature s'écroula.

Morte. Elle était morte. Détruire. Disparu. Réduite à l'état de cadavre. Nous l'avions tuée, nous avions fait la seul chose que nous savions réellement faire. Détruire, tuer, raser. Contrairement à moi, Mélodie n'avait pas tenté de la faire souffrir le plus possible, par contre, elle avait fait gicler le plus de sang possible. Et c'est dans ce sang que nous patogions. dans ce sang que baignait le cadavre. Nous nous mîmes à boire liquide rougeâtre jusqu’à ce qu'il n'en reste plus une goutte, à ce moment là seulement, nous relevâmes la tête.

« Voilà une bonne chose de faites, ricanais-je, si nous allions maintenant terrorisé ces maudits bipèdes ? »

Je lui fit un clin d'oeil, puis lui indiqua une lumière à l'horizon.

Ombre Maléfique eut l'air de se réjouir à l'entente de la proposition que je lui fit. Il se met alors à sourire. Non, pas un sourire joyeux, malgré le fait qu'il le soit. Un sourire démoniaque. Il avait dévoilé ses dents rouge sang, encore largement imprégnées de la teinte si subtile de ce liquide fluide et vital. Mener une opération si inédite et si privilégiée semblait l'exciter.
Il me répond alors, de sa voix fantomatique :

«Tu as raison. Entrons, apeurons, traumatisons, attaquons. Une fois cette besogne accomplie, nous n'aurons plus qu'à retrouver nos comparses dans la forêt. »

J'hoche la tête. Rien que d'entendre ces mots 'apeurer', 'attaquer' ... Cela réveille tous mes sens. J'ai l'impression d'avoir attendu des siècles entiers, avant de pouvoir goûter à ces délices.
Ombre Maléfique me fait alors le signe de tête tant attendu. Mon corps est parcouru d'un frisson à ce moment.
Nous nous dirigeons vers la lueur aperçue précédemment. Tuer ... Faire couler du sang ... Effrayer ... Ces mots me montent à la tête.

Nous nous rapprochons de la lumière. Ce n'est pas une ville, à notre grande déception. C'est une simple ferme. Mais elle est habitée, c'est déjà cela.
Qui vit dans cette demeure triste et désolée ? Je vais bientôt le découvrir. J'entends alors des pleurs. Les pleurs d'un jeune enfant, un nourrisson. Je regarde Ombre Maléfique : lui aussi l'a entendu. Nous nous sourions. Un sourire commun, sadique.

Nous entrons dans la maison, par une fenêtre ouverte. Les bipèdes sont idiots ! Ils savent pertinemment que tous les ans, à cette époque, c'est Halloween ! Ils le fêtent eux-mêmes ! Et ils laissent tout de même le champ libre aux pires créatures que nous sommes, en sachant qu'ils ont peur de nous ! Qu'ils ne se plaignent pas après !

Ombre Maléfique, en passant sur la table, renverse un pot de confiture, pour signifier notre présence.
Je continue à le suivre. Nous montons les marches d'un vieil escalier en bois. J'appuie tout mon poids sur chaque marche pour le faire grincer. Quel grincement sinistre ! J'aime ça.
Une porte est entrouverte. Des parents. Jeunes. Si jeunes ... Ils tiennent leur jeune enfant dans leurs bras pour le calmer.

A son signe, nous entrons dans la pièce, et attaquons. Ombre Maléfique saute à la gorge des bipèdes. Nous faisons tout notre possible pour faire régner le chaos dans cette maison habituellement si calme.
L'enfant est allongé à terre, et pousse des cris en se tortillant. Ses parents ne peuvent pas le secourir car ils sont séparés et séquestrés chacun dans un coin, pour être surs qu'ils ne vont pas s'allier contre nous.

Notre but n'est pas de tuer, mais de faire régner la souffrance au maximum. Et ces bipèdes affichent clairement leur souffrance sur leur visage. Leur figure se tord de douleur.
J'espère qu'ils parleront de nous demain, à la télévision des bipèdes. J'espère que nous serons enfin célèbres. Mais personne ne pourra jamais nous retrouver.
Demain, nous auront retrouvé notre corps qui nous tient prisonnier pendant toute une année. Je frissonne à cette pensée, et je la chasse de mon esprit.

Les bipèdes crient plus forts que leur nourrisson, à présent. J'espère de tout coeur -ou plutôt de toute mon âme déchue, car je n'ai pas de coeur- que des voisins vont être avertis par le bruit et se joindront à la fête. Mais à mon grand déplaisir, il n'y a aucun voisin.

Je jette un coup d'oeil vers Ombre Maléfique. Je lui fais un signe de tête, pour lui signifier que la fête est terminée, et que nous devons arrêter là. Je suis moi aussi triste d'abandonner si vite, mais je vois à travers la fenêtre que le jour commence à se lever. Cela veut dire que la nuit d'Halloween est terminée ...
Le lendemain, ce sera reparti pour une nouvelle année de souffrance, dans un corps maladif qui nous tiendra prisonnier.

Les bipèdes sont sonnés. Ils n'osent plus rien dire tellement ils sont effrayés. Je m'en réjouis intérieurement. Lorsque je passe aux côtés de mon compagnon de jeu, je lui murmure :

« C'est déjà terminé ... Mais voir ces bipèdes crier autant m'a revigoré. »